Mehdi Bayat et Fabien Debecq se confient: “Il faut maintenant passer à l’étape suivante”
Fabien Debecq et Mehdi Bayat pensent avoir atteint les limites avec les moyens actuels.
- Publié le 12-01-2019 à 07h35
- Mis à jour le 12-01-2019 à 10h03
Fabien Debecq et Mehdi Bayat pensent avoir atteint les limites avec les moyens actuels. Fabien Debecq et Mehdi Bayat sont des hommes heureux. Après avoir repris en mains le club de Charleroi il y a six ans, le président et son administrateur-délégué ont réussi à replacer le Sporting sur la carte du football belge. Un succès qui n’est que la première étape d’un plan voulant faire de Charleroi un grand club belge. Au bord du terrain d’entraînement des Carolos en stage à Valence, les deux hommes forts du club ont pris le temps de se poser, entre deux séances de travail. Entretien.
En quoi est-ce important pour un président de venir prendre la température du groupe ici en stage ?
Fabien Debecq : "Vous ne le voyez peut-être pas, mais je côtoie souvent les joueurs. Je descends les saluer à chaque rencontre. Passer un peu de temps avec les joueurs et le staff est très important pour le groupe et sa solidité."
Mehdi, de votre côté, vous les côtoyez tous les jours ici en Espagne…
Mehdi Bayat : "Fabien et moi avons des responsabilités et des tâches différentes. Il est le président du club et a un rôle paternel avec les joueurs. Pour ma part, je parle avec eux de leurs problèmes quotidiens, car c’est ma responsabilité en tant qu’administrateur-délégué du club."
F.D. : "Personnellement, je ne discute presque jamais football avec les joueurs, mais j’échange beaucoup au niveau extra-sportif. Ils savent que je suis là et qu’ils peuvent m’appeler en cas de problème. C’est important d’être un président prêt à décrocher son téléphone à minuit si un joueur a besoin de parler."
Comment analysez-vous la première partie de saison du Sporting ?
F.D. : "Le démarrage de la saison a été moins bon que ce que l’on espérait. Je pense que le coach et l’équipe se sont remis en question en interne. Au niveau de la qualité du groupe, je ne me pose pas de question."
Rater les PO1 cette saison serait un réel échec ?
M.B. : "Évidemment. Quand vous avez été trois fois dans les PO1 sur les quatre dernières saisons, vous avez envie d’y être de nouveau."
F.D. : "Cela a déjà été un échec quand nous nous sommes retrouvés en PO2 durant la saison 2015-2016. Depuis, nous avons grandi et ce serait de nouveau un échec, mais la fondation que nous avons créée restera présente."
Comment avez-vous vécu l’élimination en Coupe de Belgique ?
F.D. : "J’étais très triste, comme tous les Carolos. Cela fait quelques années que nous essayons de nous positionner dans cette Coupe. Cette année, nous avions une chance d’aller loin, mais le football est parfois très imprévisible. Genk est venu à Charleroi pour gagner et c’est ce qu’il s’est passé…"
M.B. : "À un moment donné, il faut se poser les bonnes questions. Quand un club n’a rien gagné après 115 ans d’histoire, il faut se demander ce qui ne va pas. Le Sporting n’est pas encore capable de réussir les grands rendez-vous. Je pense que c’est une question d’expérience et de maturité. Le groupe a de la qualité, mais cela va prendre un certain temps pour qu’un bon équilibre entre expérience, talent et volonté de gagner soit trouvé. Nous devons être capables de nous dire que Charleroi est capable de gagner quelque chose !"
Il a manqué cette volonté de gagner contre Genk ?
M.B. : "Très certainement, Genk a montré plus de volonté sur ce match-là. Et finalement, c’est frustrant de voir comment les Limbourgeois ont abordé leur match suivant (Ndlr : défaite face à l’Union Saint-Gilloise en quart de finale) . Si nous voulons gagner la Coupe de Belgique un jour, il faudra être à 100 % sur chacune des rencontres."
Le format de la Coupe n’est pas fait pour un club comme Charleroi ?
M.B. : "Nous devons suivre la ligne de stabilité sportive que nous suivons depuis quatre ou cinq saisons. Nous nous trouvons dans la même situation que Gand avant la création de son nouveau stade. Il nous faut vraiment des éléments forts pour positionner Charleroi comme un club qui a cette volonté de devenir un grand du football belge et qui est capable de remporter ce genre de trophée."
Avez-vous atteint les limites avec les moyens actuels ?
M.B. : "Je pense que oui. Nous avons réussi le pari exceptionnel d’avoir une courbe de croissance presque insolente en étant partis d’un champ de ruines. Maintenant que nous sommes aux portes du G5, la lutte va être beaucoup plus compliquée."
F.D. : "Il faut maintenant passer à la deuxième étape. Il faut se remettre en question et préparer les cinq prochaines années."
Par quoi passe cette fameuse deuxième étape ?
M.B. : "Nous annoncerons avant la fin janvier le futur ‘plan stratégique 2023’ dont le stade sera la finalité. Et avant 2023, il faut continuer à renforcer le club et à améliorer l’ossature autour du noyau pro. Nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir un battement sportif. Nous avons habitué nos supporters depuis quatre saisons à être dans les PO1 ou à gagner les PO2. De nouveaux moyens vont venir d’un outil qui nous permettra de quasiment doubler l’assistance. Dans toutes les villes d’Europe, à chaque fois qu’un nouveau stade a été construit, l’assistance a quasiment toujours été doublée lorsque c’était possible."
F.D. : "L’audience du vieux cinéma de votre ville n’est pas aussi importante que si vous reconstruisez le tout… Un nouveau stade est excitant, les gens veulent participer à ce genre de projet."
M.B. : "Le meilleur exemple est Gand : avant leur stade, ils étaient juste derrière le G4. Et l’année après leur nouveau stade, ils ont été champions de Belgique…"
Mais construire un stade, cela prend du temps…
M.B. : "Il y a en effet énormément de choses à prendre en considération pour créer une enceinte multi-fonctions. Nous avons deux ans de travail administratif, une année de mise en place de tout ce qui a été analysé pendant ces deux années-là. Et nous finirons par deux ans de construction. C’est un planning crédible, réaliste et raisonnable."
Le centre d’entraînement sera-t-il un projet lié à celui du stade ?
M.B. : "Pas du tout, nous scindons complètement les deux. Le vrai problème du Sporting de Charleroi est son centre d’entraînement. Nous en avons besoin d’un nouveau pour nos pros mais surtout pour nos jeunes. Les élites doivent évoluer dans un cadre qui nous permettra de dire que Charleroi est devenu un club formateur. Ce sera un des points importants de notre projet 2023. La volonté est de faire un centre d’entraînement dans les deux ans maximum."
Si on vous avait dit à la reprise du club que Charleroi allait être au niveau où il en est maintenant, vous y auriez cru ?
F.D. : "Pourquoi pas ? Nous n’avons pas repris Charleroi pour en faire un club de copains. Je rappelle que nous avons repris le club dans une situation de faillite virtuelle. Nous voulions en faire un grand club. Après six ans, nous avons fait du très bon travail, mais maintenant il va falloir passer à l’étape suivante."
Si vous aviez la possibilité de changer une chose réalisée depuis la reprise du club, quelle serait-elle ?
F.D. : "Je ne vois pas de points négatifs. Il y a eu des hauts et des bas, mais le club a grandi. Et quand on voit d’où nous venons, nous ne pouvons pas nous plaindre."
M.B. : "Sportivement, ce serait le transfert de Dodi Lukebakio parce qu’il y avait une carte à jouer la saison passée (Ndlr : le joueur avait quitté Charleroi durant le mercato hivernal) . Je ne voulais pas faire ce transfert. Nous ne pourrons jamais savoir à quelle place Charleroi aurait fini avec Dodi… Par curiosité, ce serait donc la seule chose que je changerais."
Sur 10, quelle note donneriez-vous au travail abattu par Mehdi Bayat ?
F.D. (il réfléchit) : "Je lui donnerais 8."
M.B. : "Cela veut dire que je peux encore faire des efforts (rires)."
Footgate: "Ne pas faire d'amalgames"
Début octobre 2018, le scandale du “Footgate” explosait en Belgique. Blanchiment d’argent, fraude et matchs truqués : un énorme séisme a éclaté au sein du football belge. “Je n’ai pas vraiment envie de m’exprimer sur ce sujet, des enquêtes sont en cours”, commente Fabien Debecq. “Mais c’est avec une grande fierté que nous n’avons pas été perquisitionnés à Charleroi. Même si je suis triste pour le foot belge, cela prouve que tout fonctionne bien dans ce club.”
Mehdi Bayat, de son côté, veut éviter les amalgames. “Il ne faut pas oublier que beaucoup de choses fonctionnent bien dans le football belge”, avance l’administrateur-délégué carolo. “Le football n’est pas vacciné contre ce genre de choses. Cela me frustre de voir que certains font des amalgames même si nous pouvons encore faire progresser le football belge.”
Mazzù en fin de cycle? Peut-être dans 15 ans
Depuis le début de la saison, l’entraîneur carolo Felice Mazzù n’est pas épargné par les critiques. Celui qui vit sa sixième saison à la tête du club carolo a été montré du doigt par certains quand les résultats ne suivaient pas. Pour Bayat, c’est un signe que le club grandit. “Il faut assumer les critiques liées à notre nouveau statut, avance celui qui a fêté ses 40 ans en stage. On dit que Felice est un bon entraîneur, dans un bon club, avec de bons joueurs. Donc s’il ne fait pas de résultats, il est critiqué…”
Pour Mehdi Bayat, pas question de parler de fin de cycle avec son entraîneur. “J’ai toujours dit que je voulais en faire mon Alex Ferguson qui est resté 27 ans à Manchester. Cela fait six saisons que Felice est à Charleroi. Peut-être que dans quinze ans, nous arriverons en fin de cycle… Quoi qu’il arrive, nous aurons toujours des hauts et des bas.”